En 2015, j’ai pris une décision qui allait changer ma manière de créer : réaliser mon premier autoportrait. Mais cet autoportrait ne se voulait pas simplement esthétique. Il portait en lui une réflexion plus profonde, inspirée par une artiste qui, presque un siècle auparavant, avait fait de ses photos un outil d’introspection et de subversion : Claude Cahun.
Claude Cahun, une muse intemporelle
Claude Cahun, figure incontournable du surréalisme, était bien plus qu’une photographe. Cette artiste Queer, militante et poète, utilisait son art pour explorer les thèmes de l’identité, du genre et de la perception.
Elle défiait les conventions, se jouait des attentes de la société, et repoussait les frontières entre le masculin et le féminin. Ses autoportraits, souvent provocateurs ettoujours intrigants, étaient des manifestes visuels.
Quand j’ai découvert son travail, je me suis sentie touchée en plein cœur. Elle avait cette audace qui me manquait encore, cette manière de créer avec son âme, sans concession. C’est en hommage à sa force et à son unicité que j’ai voulu créer cet autoportrait.
Un autoportrait comme un miroir
Mon autoportrait de 2015 est une réponse visuelle à l’inspiration que m’a insufflée Claude Cahun. Dans cette photo, je porte un masque noir, à la fois ornement et barrière. Il est le symbole d’une époque où l’on se cache, où l’on s’interroge, où l’on porte des "masques" pour affronter la réalité.
Sur mon mur, un patchwork de journaux évoque une France en plein tumulte. Nous étions alors au lendemain des attentats qui avaient secoué Paris et le monde entier. Les unes des journaux, omniprésentes, faisaient écho à une peur collective mais aussi à une étrange solidarité qui se formait au sein de la société.
Je voulais que cet autoportrait parle de cette dualité : l’introspection personnelle et le poids du contexte extérieur. Qui sommes-nous face aux épreuves du monde ? Comment trouvons-nous le courage de continuer, de résister, comme Claude Cahun l’a fait dans son époque ?
La France en 2015 : entre douleur et résilience
Cette année-là, la France a été frappée par plusieurs attentats tragiques, notamment ceux de janvier et de novembre. Les mots "Je suis Charlie" résonnaient comme un cri dans les rues, les médias, les esprits. Il y avait une tension palpable, une angoisse collective.
Et pourtant, dans ce chaos, je ressentais aussi une étrange lumière : celle d’une société qui voulait tenir bon, qui cherchait encore la beauté dans l’obscurité.
C’est cette beauté fragile que j’ai voulu capturer dans mon autoportrait. Les journaux au mur symbolisaient cette omniprésence médiatique, ce besoin de s’informer pour comprendre et, parfois, pour guérir. Le masque noir, lui, représentait notre rapport complexe à la vulnérabilité : faut-il se protéger ou se dévoiler ?
Créer comme un acte de résistance
En repensant à ce moment où j’ai appuyé sur le déclencheur, je réalise que cet autoportrait n’était pas seulement une expérimentation artistique. C’était un acte de résistance, une manière pour moi de dire : "Je suis là. Je suis en vie. Et je vais créer."
C’était une façon d’honorer Claude Cahun et toutes ces âmes créatives qui utilisent leur art pour transformer la douleur en espoir, le chaos en beauté.
Aujourd’hui encore, cette photo occupe une place spéciale dans mon cœur. Elle me rappelle que la création peut être un refuge, une arme, un miroir, et une fenêtre ouverte sur un avenir plus lumineux.
Et vous, dans vos moments de doute ou de tempête, qu’est-ce qui vous aide à tenir bon ? Peut-être que, comme moi, vous trouverez votre réponse dans un acte de création.
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